Départementales : la victoire introuvable ?
Par Cochin
Les résultats du premier tour des élections départementales ont été très diversement commentés depuis dimanche soir. Nombreux sont les médias qui y ont vu une victoire de l'UMP, un bon score du FN (auquel est généralement refusé le titre de « premier parti de France ») et une défaite moins large que prévue du PS. Mais les choses sont-elles aussi simples ?
Le mode de scrutin a rendu les résultats illisibles
Le principal problème que pose l'interprétation des résultats est lié au mode de scrutin. Pour la première fois en effet, il s'agissait de voter pour un ticket composé de deux candidats pouvant appartenir à des formations différentes (c'est ce que l'on appelle en langue barbare un scrutin binominal majoritaire à deux tours). Une telle mesure avait été justifiée par la volonté de promouvoir la parité dans les nouveaux conseils départementaux, étant donné que chaque ticket devait être composé d'un homme et d'une femme. Le problème est toutefois que, en plus de ne régler la question – importante – de l'égalité hommes/femmes que de manière tout à fait artificielle, le mode de scrutin a considérablement brouillé les résultats, au point de les rendre largement illisibles (ô parité, que de crimes on commet en ton nom !).
C'est ce problème qui explique les importants biais observés dans le décompte des résultats. À ce titre, les scores d'EELV et du Front de gauche se retrouvent notamment largement minorés, étant donné que seuls les résultats que ces formations ont réalisé sans passer d'alliance leur sont attribués (les autres étant classés dans la catégorie « divers gauche », que certains analystes ont carrément rangée, sans apparemment que cela ne leur pose le moindre problème, dans les « alliés du PS »).
De la même manière, la catégorie « divers droite » est trop imprécise et il a été tout aussi étonnant de voir certains journalistes comptabiliser ensemble les voix obtenues par l'UMP-UDI et celles obtenues par Debout la France, formation qui a toujours été claire dans son opposition au programme des partis de Nicolas Sarkozy et de Jean-Christophe Lagarde (et ce sur des domaines aussi importants que l'Europe ou la politique économique).
Un vainqueur : le Front national
Pour cette raison, en réalité, les seuls résultats qui peuvent être interprétés avec sérieux sont ceux de l'unique parti qui ait abordé les élections sans passer aucune alliance : le Front national. Et, contrairement à ce qui a été dit, il est clair (
et l'auteur de ces lignes est loin de s'en réjouir) que ce parti est le grand gagnant des élections.
Il l'est tout d'abord par sa position, conservée depuis les dernières élections européennes, de premier parti de France, puisque l'UMP a eu besoin de s'allier avec l'UDI et le Modem pour que ses listes fassent un meilleur score. Il l'est ensuite et surtout parce qu'il réalise de meilleurs résultats qu'aux européennes (tant en nombre de voix qu'en pourcentage des votants), ce qui confirme sa constante progression depuis 2012, et qu'il le fait alors même qu'il s'agissait d'élections départementales, où, parce qu'il ne possédait que très peu de notables locaux, il partait avec un handicap considérable par rapport aux formations bien implantées sur le territoire.
Il est dès lors au mieux inutile, au pire contre-productif de la part de ceux qui pensent qu'une victoire du FN en 2017 aggraverait les maux dont souffre notre pays de nier l'évidence. Ce n'est pas en refusant de voir la réalité en face que l'on pourra la transformer mais bel et bien en l'analysant telle qu'elle est de manière à ensuite en tirer les bonnes leçons.
Des leçons à tirer ?
Disons-le clairement, il est sans doute encore trop tôt pour tirer en toute certitude des enseignements de ces élections et il faudra sans doute attendre le second tour pour cela. Plusieurs points peuvent tout de même être signalés comme plus que probables.
Il faut tout d'abord bien entendu insister sur l'effondrement du PS, qui devrait perdre une grande partie des départements qu'il contrôlait jusque-là. Ajouté à la défaite des municipales et à la probable déroute des régionales, cela devrait provoquer au parti socialiste une importante crise interne, étant donné que le PS est très largement un parti de notables locaux. Par ailleurs, des problèmes financiers sont à prévoir.
La victoire de l'UMP-UDI, à ce titre, est sans doute bien davantage due à un vote de rejet du PS qu'à un vote d'adhésion envers le programme de ces deux formations, dont on ne peut pas vraiment dire que la campagne ait brillé par les idées (autant le PS a axé sa campagne sur la lutte contre le FN, autant l'UMP et l'UDI l'ont axé sur le rejet du parti au pouvoir).
Un dernier point, mais qui ne sera confirmé qu'au soir du second tour, concerne la gauche de la gauche. Il semblerait que celle-ci paye son absence de ligne directrice et les alliances très différentes qu'elle a nouées en fonction des cantons, au détriment de l'affirmation d'une ligne cohérente et facilement compréhensible par les électeurs (un exemple simple : dans certains cantons, voter communiste signifiait s'opposer au gouvernement tandis que dans d'autres PCF et PS étaient alliés).
L'alliance de la gauche de la gauche avec EELV, tant désirée par J.-L. Mélenchon pour 2017 semble par ailleurs clairement compromise, étant donné que les libéraux d'EELV devraient très rapidement tirer profit de l'échec de ces élections pour justifier un retour au gouvernement, la ligne suivie jusque-là ne s'avérant pas payante.
Sans doute est-ce d'ailleurs un mal pour un bien pour J.-L. Mélenchon : en 2017, une alliance avec les écologistes ne lui aurait pas apporté beaucoup de voix, tant ceux-ci ne représentent plus grand-chose mais aurait complètement anéanti la cohérence de son programme, notamment sur des questions importantes comme la question européenne. Sans les fédéralistes d'EELV, il pourra sans doute présenter une ligne bien plus claire et par conséquent susceptible de mieux réussir.
Pour remporter une élection, le plus important n'est en effet pas de rassembler mais de présenter un projet cohérent aux Français.