dimanche 15 mars 2015

L'euro de Waterloo, une mauvaise blague belge



L'euro de Waterloo, une mauvaise blague belge


Par Cochin 

 



   Pour commémorer le 200e anniversaire de Waterloo, la Belgique a choisi de frapper une édition spéciale des pièces de deux euros figurant le lion monumental qui, du sommet d'une butte, contemple la « morne plaine » où s'est déroulée la bataille. Sous la pression de la diplomatie française, et alors même que 180 000 pièces étaient déjà frappées, le pays a cependant renoncé à mettre ces euros en circulation.
   Tout ceci n'est bien entendu pas bien grave, mais on se demande toutefois comment cela a pu se produire. La Belgique a signalé qu'il ne s'agissait absolument pas de fêter une défaite française mais simplement une date importante de l'histoire européenne. On a tout de même du mal à penser que les Allemands ne diraient rien si la France décidait de frapper des euros représentant le moulin de Valmy, bataille non moins importante que Waterloo, comme en atteste le fameux mot de Goethe, qui disait de la bataille : « De ce jour et de ce lieu date une nouvelle époque dans l'histoire du monde ».
   L'anecdote montre bien à quel point une partie des élites qui dirigent les Etats européens a perdu totalement le contact avec les réalités nationales. Sinon, comment expliquer qu'un tel projet ait pu voir le jour sans que ne vienne à l'esprit qu'il puisse choquer certains ? Pour les Français, la défaite de Napoléon à Waterloo, magnifiée par le célèbre poème que Victor Hugo lui a consacré et évoquée dans bien d'autres chefs-d’œuvre de notre littérature, reste une défaite nationale. Et le fait que le rôle de Napoléon dans l'histoire de notre pays prête à discussion n'y change rien : le moins que l'on puisse dire, c'est que les puissances qui l'ont vaincu à Waterloo n'incarnaient pas le camp du Progrès, comme le montra par la suite l'histoire de l'Europe du premier XIXe siècle.
   En bref, considérer comme l'ont fait les Echos que la France s'est ridiculisée dans cette affaire, c'est manquer totalement le sens de ce qui s'est passé. C'est notamment faire preuve d'un aveuglement naïf, en pensant que la construction européenne aurait mis fin aux réalités nationales. Les nations qui composent l'Europe partagent sans doute très largement une histoire commune, mais elles ne la voient pas de la même façon. Bien souvent, la victoire des uns est la défaite des autres et l'on aurait bien de la peine à trouver des dates qui puissent être célébrées par l'ensemble des pays formant l'Union européenne.
   Et lorsque l'on sait la place qu'occupent les questions de mémoire, dont font partie les célébrations historiques, dans la création et le renforcement des identités nationales, on peut légitimement douter qu'un peuple européen existera un jour.

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