vendredi 27 février 2015

Quelques mots à propos d'un récent article des Echos sur une sortie de l'euro



Quelques mots à propos d'un récent article des Echos sur une sortie de l'euro


Par Cochin


Un article intéressant et nuancé

   Paul-Adrien Hyppolite et David Amiel viennent de publier dans Les Echos un article cherchant à évaluer le coût d'une sortie de la France de la zone euro afin d'en démontrer l'impossibilité. Cet article, disons-le tout de suite, est d'une qualité bien supérieure à l'atterrant docu-fiction diffusé la semaine dernière sur France 5 et déjà commenté sur ce blog. Les auteurs ont en effet mené avec rigueur et précision un véritable travail de recherches, au contraire de l'émission de France 5, qui fondait uniquement son raisonnement sur les explications de certaines autorités (dont la principale était J. Attali, ce qui en dit long…).
   Les auteurs de l'article admettent par ailleurs sans chercher à les éluder les importants problèmes liés à l'euro, notamment le fait que « dans les années de relative prospérité qui ont suivi sa naissance, il a amplifié les divergences entre les économies européennes » et que « par le maintien d’un taux de change commun élevé [il] a accentué la désindustrialisation de certaines économies au détriment d’autres ». De même, ils rappellent que, une fois la crise déclenchée, la monnaie unique a contraint les Etats « à la dévaluation interne, autrement dit à baisser "à la main" les prix et les salaires au prix de taux de chômage épouvantables et de tensions financières redoutables ».
   Mais selon eux, malgré tous ces problèmes, une sortie de l'euro n'est pas souhaitable du fait des multiples difficultés qu'elle engendrerait. Les arguments qu'ils mettent en avant pour justifier cette idée sont cependant discutables. 

 

Une analyse discutable

   Le premier défaut de cet article est qu'il met l'accent sur les coûts d'une sortie de l'euro (coûts que personne ne nie), sans en pointer les avantages, bien signalés par J. Sapir, en terme de baisse du chômage et de réindustrialisation (donc d'enrichissement) du pays.
   Par ailleurs, les auteurs raisonnent comme si une sortie de la France de la monnaie unique ne provoquerait pas la destruction à court terme de celle-ci. Pourtant, la France est un maillon fondamental de l'eurozone, étant donné qu'il s'agit de la deuxième économie du continent et d'un pays qui fait le lien entre les économies du Nord et les économies du Sud. En quittant la zone euro, elle déstabiliserait donc fortement celle-ci. Elle le ferait d'ailleurs d'autant plus que l'avantage qu'offrirait aux entreprises françaises une dévaluation du franc rendrait à court terme insoutenable pour des pays comme l'Italie ou l'Espagne leur maintien dans la monnaie unique, alors même que leurs firmes subiraient fortement la concurrence des entreprises françaises.

Le problème de la dette des entreprises privées

   L'argument central développés par les deux auteurs concernent toutefois la question des dettes des entreprises privées. Ils rappellent en effet le problème que poseraient les dettes que des entreprises françaises ont contractées sur des marchés étrangers et dont le montant, après un retour au franc, resteraient établis dans sa monnaie d'origine (dollar, euro s'il existe encore, etc.). Ces emprunts, du fait de la dévaluation du franc, seraient en effet bien plus coûteux à rembourser et pourraient par conséquent mettre en danger les finances des entreprises en question, si leurs recettes sont réalisées en France (et donc en francs).
   Après avoir mené une étude des bilans de soixante-deux des plus grands groupes français, P.-A. Hyppolite et D. Amiel signalent que ce problème toucherait une grande partie des sociétés financières (dont BNP Paribas et la Société générale) ainsi que des entreprises comme la SNCF ou Orange. Ils chiffrent à 18 milliards d'euros, soit 1 % du PIB actuel, le montant que l’État devrait dépenser pour compenser les difficultés de ces entreprises liées à une dévaluation de 20 %.
   A cela, deux choses peuvent être rétorquées. La première est qu'une intervention de l’État à hauteur de 1 % du PIB du pays ne peut pas être considérée comme étant particulièrement coûteuse si une sortie de la monnaie unique permet par ailleurs de relancer l'économie du pays en la libérant des liens qui la brident. La seconde, sans doute plus cynique, concerne la question du secours aux banques en difficulté. Un énième appel à l'aide des banques serait l'occasion de réaliser ce qui aurait déjà dû être fait en 2008, lorsque l'aide de l'Etat leur avait permis de survivre à la crise : nationaliser une partie d'entre elles, ce qui permettrait par la suite à la puissance publique de disposer des leviers nécessaires pour mener une politique économique ambitieuse.

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